«Berkane est juste un tremplin dans ma carrière»
(stades.sn) C’est un homme au sourire facile qui a rendu visite à la Rédaction du quotidien Stades. Auteur d’une saison en dents-de-scie, ponctuée par des blessures qui l’ont mis sur le flanc plus de la moitié de la saison, Paul Valère Bassène est pourtant parvenu à se hisser au rang des meilleurs buteurs de la Coupe CAF. Compétition que son équipe Berkane a disputée jusqu’en finale, avant de baisser pavillon devant le Zamalek. Aujourd’hui, il espère effectuer une saison pleine avant de penser à changer d’air, avec une préférence, le championnat anglais. Non sans jeter un coup d’œil dans le rétroviseur et de se souvenir de Teungueth FC et du championnat local. Bref, un petit livre ouvert par l’attaquant de Berkane qu’il voudrait refermer avec la sélection nationale, en réaliser un rêve de gamin.
Entretien.
Qui est Paul Valère Bassène ?
C’est un honneur d’être là avec vous. Je m’appelle Valère Paul Bassène. Je suis un footballeur sénégalais qui a évolué au CNEPS de Thiès et à Teungueth FC. Actuellement, je suis pensionnaire de Berkane, au Maroc. Je suis âgé de 23 ans. J’ai joué en sélection U20, U23 et en sélection locale. J’ai fait toutes ces catégories avec la sélection nationale.
Aujourd’hui, comment jugez-vous votre saison avec Berkane ?
Ce n’est pas ma meilleure saison, car j’ai connu beaucoup de difficultés, notamment sur le plan physique. Les blessures ne m’ont pas épargné. Je suis resté trois mois sans jouer à cause d’une blessure, je suis revenu et j’ai rechuté encore pendant un mois. Dieu merci, comme on a bien terminé le championnat, avec une troisième place qui nous permet de disputer le tour préliminaire de la Ligue des champions la saison prochaine. Sans parler de la finale en Coupe CAF perdue devant le Zamalek (2-1 à l’aller et 0-1 au retour).
N’empêche, vous avez terminé meilleur buteur de la compétition, pensez-vous que sans ces blessures gênantes, peut-être que vous auriez réalisé une meilleure saison ?
Oui, j’allais terminer avec plus de buts. Parce que j’ai raté les quatre matchs de poule et les demi-finales n’ont pas été jouées face à l’équipe algérienne de USM Alger. C’est aussi un handicap qui ne m’a pas empêché de terminer meilleur buteur de la compétition.
Vous avez perdu en finale face au Zamalek. Sur l’ensemble des deux rencontres, nourrissez-vous des regrets ?
Il y en a beaucoup. On nourrit beaucoup de regrets pour n’avoir pas concrétisé toutes nos occasions lors de la manche aller. On aurait pu résumer la finale lors de cette manche aller. Mais non, on prend un but en début de seconde période. Quand on sait que les matchs se gagnent sur des détails, cela nous a coûté cher. Si on n’avait pas pris ce but à domicile, peut-être qu’on aurait remporté la coupe. Au retour, on a défendu dès le début de la partie. Cela n’a pas empêché qu’on prenne un but très tôt. Et pourtant, on a une équipe expérimentée. Ce qui augmente les regrets qu’on a eus sur l’ensemble des deux rencontres.
Des consignes du coach de défendre dès l’entame de la rencontre ?
Non, ce n’était pas des consignes du coach. Parfois dans le football, il y a la peur des joueurs que l’on ne peut pas prévoir, ni prévenir. On avait manqué de cran, de courage de sortir et d’attaquer l’adversaire. Cela nous a coûté cher.
Vous vous sentez bien à Berkane ?
Oui, je m’y sens bien. Ce n’est pas loin de la ville d’Oujda, là où j’évoluais la saison dernière. Ce sont les mêmes habitudes et presque le même environnement.
Quels sont les rapports que vous entretenez avec Fouzi Lajaab, le président de Berkane et président de la Fédération royale marocaine de Football (FRMF) ?
On s’est juste parlé une fois au téléphone avant de signer mon contrat. C’est Hakim, le président de la section football qui gère le quotidien. C’est avec lui qu’on discute tout le temps.
Quelles sont les différences notables entre les deux championnats, marocain et sénégalais ?
Il y a beaucoup de différences. D’abord au Maroc, les matchs de l’élite se jouent sur des terrains gazonnés, pas de synthétique pour la première division. On utilise aussi la VAR dans le championnat. Le niveau de jeu est aussi bien différent, car on rencontre souvent des équipes qui ont été championnes d’Afrique ou vice-championnes. Certaines équipes sont présentes chaque fois dans le dernier carré en Coupes d’Afrique des clubs, si elles ne terminent pas championnes, comme le Wydad ou le Raja et Berkane.
Berkane est une jeune formation qui vient bouleverser la hiérarchie et se positionner comme une valeur sûre du football marocain ?
Le président a beaucoup investi. On bénéficie d’un centre qui a toutes sortes de commodités. Même quand on est blessé, avant de partir à l’hôpital ou dans une clinique, les premiers soins et diagnostics sont effectués sur place, qu’il s’agisse de radio ou de scanner, tout est fait sur place avant de rallier un centre hospitalier. Il y a tout sur place.
On va parler de Teungueth FC, l’équipe qui vous a consacré sur le plan local. Elle a récemment changé de coach, du fait, en partie, de l’impatience et la virulence de ses supporters. Vous l’avez vécue du temps de Youssou Dabo, qu’est-ce que cela vous inspire ?
Les supporters à Rufisque, ils sont trop stricts. Pour eux, seule la victoire compte. Et ça, ce n’est pas le football. Quand on joue, c’est pour gagner, faire nul ou perdre. Mais chez eux, c’est la galère quand tu perds. Les supporters vont t’abreuver d’injures. Ils doivent changer, car tu ne peux avoir un entraîneur qui remporte le championnat, qui perd une rencontre derrière et qui se voit traiter de tous les noms d’oiseaux. Ce n’est pas possible, les supporters doivent savoir raison garder. Malgré la pression sur les joueurs et le staff, on ne doit pas en arriver à ces extrêmes.
Quels sont les meilleurs souvenirs de votre passage à Rufisque, avec Teungueth FC ?
Assurément, la qualification en phase de poules face au Raja, c’était énorme. Pour une première participation, on atteint la phase de groupes. Jusqu’à présent, les supporters du Raja l’ont toujours en travers de la gorge, cette élimination. Ils ne se remettent toujours pas de cette élimination. Je continue de côtoyer des anciens joueurs de Raja à qui je révèle avoir disputé cette rencontre, ils n’en reviennent toujours pas. C’est le meilleur souvenir que je garde de mon passage à Rufisque.
TFC va disputer la Ligue des champions la saison prochaine. Comment les voyez-vous sur la scène continentale ?
La Ligue des champions, c’est un autre niveau pour dire vrai. Ils devront beaucoup s’investir à tous les niveaux, mentalement et tactiquement. Quand tu vois avec quelle intensité sont disputées les rencontres en Ligue des champions, à l’image des demi-finales et de la finale, on se rend compte que le niveau est élevé. Il faut beaucoup s’impliquer, s’investir.
Vous vivez depuis quelques années au Maroc, après Oujda et Berkane maintenant, est ce que vous voulez continuer à évoluer en Botola ou changer d’air ?
Je pense que Berkane sera un tremplin pour moi. Pour dire vrai, je vise d’autres championnats plus huppés, comme l’Europe. Je pense aussi à l’Arabie saoudite et au Qatar.
Mais vous êtes jeune, pourquoi penser à ces championnats où vont les retraités des championnats européens ?
Le football maintenant, ça va très vite. On ne sait jamais, personne ne peut dire comment sera fait demain, car personne ne maîtrise le football. Si tu peux te mettre tôt financièrement en sécurité, il faut le faire. Même si je ne croule pas sous le poids des offres, en dehors d’une équipe de D2 en Pologne, je crois que ne bougerai pas. Car ma saison n’a pas été bonne du fait des nombreuses blessures. Mais Dieu peut nous surprendre par sa bonté infinie. Par contre, s’il y a une bonne offre d’un bon club européen, sûrement je partirais.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui ambitionnent de passer au Maroc ?
Déjà pour passer par le championnat marocain, il faut demander à ceux qui y évoluent. Car il y a beaucoup de clubs qui ont des litiges et qui ne peuvent pas recruter. Ils ne paient pas non plus les salaires des joueurs. Moi, la saison dernière, je suis resté trois mois sans percevoir mon salaire avec Oujda. Mais comme j’étais dans de bonnes conditions, j’ai pu m’accommoder. Je parvenais à me restaurer, aller aux entraînements et continuer à travailler. Malgré ces difficultés, j’ai continué à travailler dur pour finalement terminer quatrième meilleur buteur, ce qui a facilité mon transfert à Berkane. On doit s’armer de patience dans le travail et se montrer courageux. On doit surtout avoir le goût de l’effort. Il ne faut pas oublier d’où l’on vient, cela permet d’avancer dans la vie. À part les retards de salaire, la vie est tranquille à Berkane.
Le nom de Moussa Ndaw résonne encore au Maroc, vous le connaissez ?
Dès que l’on soupçonne que tu es Sénégalais, on te demande si tu connais Moussa Ndaw. C’est une référence au Maroc, tout le monde l’aime. Il a marqué son temps et il demeure l’un des meilleurs attaquants qui sont passés au Maroc.
Votre championnat préféré ?
C’est le championnat anglais mon préféré. Je sais que je dois redoubler d’efforts et travailler davantage à faire une bonne saison, alors tout est permis. Je sais que je peux le faire.
Mamadou Lamine Camara, votre coéquipier sénégalais en club. Comment vivez-vous ensemble ?
C’est mon frère, on est toujours ensemble. On ne vit pas dans la même maison, mais on est tout le temps ensemble. Souvent c’est lui qui vient me prendre à la maison pour qu’on aille aux entraînements. Le soir, il nous arrive de sortir dîner ensemble. Pour dire qu’on est toujours collé aux basques l’un de l’autre.
Et la sélection, vous y pensez ?
Ah oui, bien sûr. Beaucoup même, c’est un rêve de gosse. Beaucoup de joueurs avec qui j’ai évolué en sélection jeune s’y trouvent : Formose, Dion Lopy, Lamine Camara entres autres. Je pense que je peux prétendre à quelque chose. On a raté de peu la qualification aux Jeux olympiques face au Mali, avec l’équipe olympique. On a pris trois buts en moins de vingt minutes, cela nous fait regretter beaucoup de choses.
Les critiques qui s’abattent sur le sélectionneur Aliou Cissé, comment l’appréhendez-vous de loin ?
Tu sais, au foot, c’est l’entraîneur qui choisit ses hommes et prépare sa tactique de jeu. Aux joueurs d’appliquer, même si cela ne t’arrange peut-être pas. Mais au Sénégal, on critique tout le monde. Même si tu gagnes, on te reproche la manière qui n’y était pas. On critiquait pace qu’on ne gagnait pas. Maintenant on gagne, mais les critiques continuent de s’abattre sur le coach. Je pense qu’avec le temps, on gagnera à nouveau le trophée.
Quel regard portez-vous sur le niveau du championnat sénégalais ?
Il est d’un bon niveau. Tous les joueurs qui proviennent de ce championnat cartonnent au Maroc. Soit ils font partie des meilleurs buteurs, au moins ils sont titulaires à part entière dans leurs clubs respectifs. Mais les infrastructures ne sont pas en adéquation avec le talent des joueurs. L’investissement à ce niveau tarde à se faire. Regardez les Tanzaniens, ils ont beaucoup investi dans leur football et les salaires sont de loin meilleurs à ce qui se pratique ici. Mais il y a beaucoup de talents ici.
Le meilleur buteur du championnat a terminé avec 10 buts, qu’est qui explique que les attaquants ne marquent pas beaucoup ?
Parce que c’est un championnat dur, très difficile même. En plus des réalités de chez nous, il manque de véritables profils d’attaquants-type. C’est très rare. Quand je regarde, je n’en vois pas beaucoup, c’est peut-être dû à la formation ou autre facteur, je ne sais pas.
Youssou Dabo, coach d’Azam en Tanzanie. Votre ancien coach, est ce que vous vous parlez toujours ? Y a-t-il des possibilités que vous vous retrouviez encore ?
Oui, on se parle très souvent au téléphone. Il y a des chances que l’on se retrouve, car la saison dernière, il s’était investi pour que je le rejoigne en Tanzanie, mais cela ne s’est pas réalisé. C’est un football qui est très populaire, qui évolue et qui a de grands clubs qui sont présents en Ligue des champions avec des résultats intéressants.
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La Rédaction