Entre internationaux, un lien affectif noué au fil de bientôt dix années en sélection ne s’accompagne d’aucune ambiguïté au moment de l’arrivée de nouveaux joueurs. Au-delà des pièges qui paralysent les équipes, Aliou Cissé a su construire un espace de confiance. Par-delà les choix, la vie de groupe se déroule sans accroc, ce qui incite, en interne, à penser que ce «groupe vit bien» n’est qu’une formule facile.
Pour trouver Radisson Blu de Diamniadio, il faut prendre la sortie 11 sur l’autoroute à péage, s’éloigner du stade Abdoulaye Wade et se rendre près du CICAD. Au bout d’une rue secondaire, au cœur du nouveau Diamniadio, se dresse l’entrée de l’hôtel.
Une fois la porte franchie, une grande baie vitrée laisse apparaître un groupe de joueurs, intégralement habillés en gris. Les survêtements sont floqués Puma, l’équipementier de l’équipe nationale du Sénégal.
Dans le hall, Sadio Mané, tout sourire, prend la pose avec des hôtesses de TECNO Mobile. Ses coéquipiers, moins sollicités, échangent une franche rigolade, en attendant la signature d’un partenariat de sponsoring dans le jardin de l’hôtel.
De là résonnent les éclats de rire. Pathé Ciss tombant sur le dos de Lamine Camara pour souffler quelque chose à l’oreille. Mory Dieng et Ismail Jackobs sont aperçus en train d’avoir un fou rire devant l’ascenseur.
Des sourires, de la complicité mais pas que…
Des sourires, de la complicité mais pas que… La bonne ambiance règne dans l’établissement cinq étoiles qui accueille les rassemblements des champions d’Afrique. Radisson Blu de Diamniadio est le cœur de la Tanière en regroupement à Dakar.
Ce sont des moments devenus sacrés à la longue et absolument très chaleureux. Beaucoup plus qu’en club. Les rassemblements au Radisson Blu de Diamniadio sont des instants importants dans la carrière en sélection. C’est là où se réveille la fibre patriotique. Et des relations se nouent, sur la durée. D’autant qu’un coéquipier en sélection peut être aussi un partenaire de club.
À trois mois de la prochaine CAN, l’équipe du Sénégal attaque une nouvelle campagne de qualification avec en ligne de mire le Mondial 2026, où il faut aussi naturellement «prendre les matchs les uns après les autres» et où «tout se joue sur des détails».
La météo clémente dans la tanière. Idéal pour accueillir les petits nouveaux, comme Noah Fadiga et Abdoulaye Niakhaté Ndiaye. Une intégration aussi rapide qu’un appel dans le dos de la défense et un comportement irréprochable. Ces jeunots ne cachent pas leur bonheur d’être ensemble avec les cadres.
Des instants volés qui racontent la vie d’une équipe qui a déjà traversé des épreuves, voir partir des joueurs de l’épopée camerounaise, mais reste soudée. Concentrée vers l’objectif de conserver le titre continental.
«C’est un groupe qui vit bien sur le terrain, et en dehors. Chacun est content de revoir l’autre, et c’est réciproque. On a toujours été comme ça. On est un groupe soudé», explique Cheikhou Kouyaté, qui campe au milieu depuis l’époque lointaine du mandat d’Alain Giresse à la tête de l’équipe nationale.
«Moi je suis très chambreur», en rigole «Yadel». Avant de poursuivre en indexant Gana Guèye : «mais lui aussi», accuse-t-il. Ils sont encore venus s’installer à Diamniadio cette semaine en attendant la première et deuxième journée des éliminatoires du Mondial 2026.
Un peu rajeuni pour la prochaine CAN, le groupe d’Aliou Cissé a su construire une vraie unité. Il y a des affinités comme toujours, mais pas de clan et une ambiance vraiment bon enfant dans un groupe où Lamine Camara (19 ans) rend 15 ans à Cheikhou Kouyaté (34 ans). Les deux se retrouvent après chaque repas autour du thé où les échanges transcendent les générations.
Si le sélectionneur peut être discuté sur certains points qualitatifs depuis qu’il a pris les rênes de la tanière, au lendemain de la CAN 2015, il a toujours su construire ses groupes et trouver le savant dosage entre anciens et nouveaux. Et qu’importe la carte d’identité, les générations se sont fondues en un seul groupe.
Pour Lamine Camara, avoir l’opportunité de jouer pour son pays, c’est vraiment un immense plaisir. «Il n’y a rien au-dessus. On se chambre à longueur de journée. Entre anciens et nouveaux, le cocktail marche», s’en réjouit d’avance le joueur de Metz. L’âge et les succès glanés jouent cependant un rôle dans les connexions.
Gana Guèye et Cheikhou Kouyaté ne sont pas loin de faire figure de vieux. L’harmonie dépend en partie de ceux-là qui ont été de toutes les aventures au cours de ses dix dernières années. Ils sont treize, soit la moitié du contingent des Lions pour cette trêve internationale de novembre.
Treize hommes à être champions d’Afrique, les huit n’ont pas besoin de se rappeler des souvenirs de la CAN Egypte-2019. Il suffit de se retourner un instant sur la finale perdue face à l’Algérie pour comprendre que la maturité est là.
Ils sont cinq en passe de disputer une quatrième CAN d’affilée (Gana Guèye, Ismaïla Sarr, Kalidou Koulibaly, Cheikhou Kouyaté et Sadio Mané). Et c’est assez logiquement qu’Aliou Cissé a décidé de continuer à construire autour de ce noyau.
Si certains historiques de l’équipe, comme Mané ou Iso, auraient pu se reconnaître dans cette définition de la continuité chantée par le sélectionneur, l’arrivée en masse des représentants de ce nouvel état d’esprit donne une identité inédite aux Lions.
Le groupe a déjà des années de vie commune derrière lui. Cadres et jeunots cohabitent de façon idyllique. Même si les « Saoudiens » sont parfois un peu en retrait à l’instar des joueurs du championnat français qui aiment parler Ligue.
Un collectif où les relais de Cissé (Kouyaté, Diallo, Gana, Mané, Edou) n’ont pas eu à intervenir pour recadrer des comportements néfastes. Mieux, certains se révèlent à l’image d’un Kalidou Koulibaly et Abdou Diallo dont les prises de parole et l’investissement créent une véritable dynamique.
Les «Saoudiens» et les autres grands groupes d’amis
En équipe nationale, il n’est pas rare de voir deux joueurs habitués à ferrailler côte à côte chaque semaine. Des binômes ? Oui, sous l’ère Aliou Cissé, la sélection a eu droit à la cohabitation parisienne Gana-Diallo, londonienne Édouard-Koulibaly, marseillaise Iliman-Ismaïla, celle de Nottingham Forest Kouyaté-Niakhaté, et aujourd’hui la nouvelle connexion monégasque Krépin-Jakobs. Mieux encore, des retrouvailles entre Lamine Camara et Pape Matar Sarr qui ont porté le même maillot de Génération Foot, avant de s’envoler vers la France.
Ces noyaux de joueurs proches au quotidien et qui ont déjà joué des dizaines de fois ensemble en club n’influent pas négativement sur la vie du groupe. Bien au contraire. Se côtoyer quotidiennement en club leur a permis d’améliorer leur relation en sélection.
Pas de risque donc de voir deux clans s’écharper, comme a également pu le craindre la Côte d’Ivoire ou le Cameroun divisés entre binationaux et natifs du pays.
Édouard Mendy et Kalidou Koulibaly, les deux joueurs d’Al-Ahli FC, aux caractères très différents, ont tissé, au fil notamment de leurs stages en équipe nationale, une relation amicale sincère, ces quatre dernières années. L’un est proche de l’autre, en club comme en sélection, mais ne sont pas seuls à entretenir des affinités particulières sur le terrain et en dehors.
Le noyau dur des anciens est aussi particulièrement soudé, formé autour de Mané, Cheikhou, Koulibaly et Édouard. Abdou Diallo et Gana Guèye conservent les affinités qu’ils avaient déjà au PSG. Il suffit de regarder leur vie numérique sur Instagram et autres réseaux sociaux ou d’assister aux entraînements du côté de Diamniadio pour s’en persuader.
Les images des rassemblements des Lions avant, à l’entraînement ou après les matchs sont généralement relayées par les réseaux de la Fédération sénégalaise de Football (FSF) et font le tour du monde dans la foulée. Comme dans le car ou à table, la vie de groupe a son importance. Et, forcément, les affinités sautent à l’œil.
Les Lions ne jouent pas toujours aussi bien, ils connaissent parfois quelques déceptions sportives mais l’atmosphère qui règne en sélection est un vent porteur. La Tanière semble être une mosaïque de petits groupes de copains.
«Le groupe vit bien» est la plus savoureuse des tartes à la crème sous l’ère Aliou Cissé. On l’entend tous les jours, quelle que soit la situation comptable. Pour la fenêtre FIFA de novembre, on y a eu droit aussi, dans la bouche de Cheikhou Kouyaté ou de Gana Guèye, pour ne citer qu’eux.
Aujourd’hui, l’aventure collective prend le pas sur les intérêts individuels. Enfin, la plupart du temps… parce qu’en d’autres heures, ce ne fut pas toujours le cas. Aliou Cissé a pu payer par le passé des choix d’hommes qui ont amené à des situations conflictuelles.
Dans le huis clos de Diamniadio et lors des déplacements, la bonne humeur s’affiche et la complicité est tangible. Ce plaisir qu’ils ont à prendre l’avion ensemble, peut-être. Cette envie primordiale de gagner ensemble, surtout.
La victoire en amical face au Cameroun engendre la bonne humeur d’avant-CAN. En attendant d’autres sommets, d’émotions ou de jeu, la génération Sadio Mané restera à jamais gravée dans l’histoire.
Bamba DIAGNE