Manga 2, Tyson, B52, Yékini et Balla Gaye 2. Tous ces 5 champions ont incarné la bravoure, la force, la détermination, mais auront régné différemment, selon leur époque et selon leurs qualités intrinsèques. Tous autant qu’ils sont, ces personnages ont marqué leur temps de gloire dans le fauteuil royal par quelque chose qui les particularise les uns par rapport aux autres et qui a fait leur prestige.
Manga 2, 15 ans de règne (1984-1999)
Hyacinthe Ndiaye, alias Manga 2, est le tout premier Roi des arènes sénégalaises. C’est vrai qu’il y avait d’autres supers stars comme Feus Falaye Baldé, Pape Kane, Boy Bambara Toubabou Dior et Double Less, pour ne citer que ceux-là. Mais lorsque le CNG de lutte organisa la fameuse compétition pour déterminer le Roi des arènes, c’est Manga II qui l’emporta en 1984, face à Mor Fadam. Et commença ainsi pour lui un long règne qui dura quinze (15) ans, où en véritable prédateur, il avait fait le vide autour de lui, avant de se retirer volontairement de l’arène, pour s’occuper d’autre chose. Mais pour une question de sous, il reviendra au moment où le jeune Mouhamed Ndao (Tyson) avait émergé. Et le 4 juillet 1999, Manga II sera battu par Tyson (Boul Faalé). Il perdra sa couronne, se retirera sur une défaite, mais aura régné pendant 15 ans. C’est le règne le plus long. Un autre fait singularise Manga 2 des autres : il est le seul authentique Roi des arènes, car ayant décroché ce titre au sortir d’une compétition organisée par le CNG de lutte. En son temps, la structure qui gère la lutte avait jugé bon d’organiser cette compétition qui consacrerait le meilleur lutteur du pays.
Tyson a révolutionné la lutte (1999-2002)
Jeune, vigoureux avec un physique d’Apollon, Tyson et sa philosophie «Génération Boul Faalé» a révolutionné l’arène. Style différent, porté sur le business, il a de ce fait relevé les cachets, qui passaient de 3 à 100 millions FCFA, voire plus, pour un combat de lutte. Dans le Guéw, il fera le vide autour de lui en battant les anciens comme Alioune Sèye, Mouhamed Ali, Mor Fadam, puis ceux de sa génération (Tapha Guèye), mais se fera détrôner par KO. Le B52 de Mbour était passé par là, le 25 décembre 2002. 3 ans et 5 mois, soit 41 mois de règne. Mais l’histoire reconnaîtra que c’est Tyson, de par son style, son courage, son charisme et son charme, qui a fait grimper les cachets qui ont connu une hausse historique, car, pour son dernier combat contre Yékini, leur rémunération dépassait les 100 millions. Il a aussi démontré qu’avec détermination, sérieux et courage, «on peut partir de rien pour devenir une référence dans la société».
Bombardier, le sphinx (2002-2004 et 2014-2018)
Véritable force de la nature, Serigne Ousmane Dia, alias Bombardier, est une montagne de muscles qui fut le seul deux fois Roi des arènes. Son gros gabarit et sa force herculéenne lui permettront de vite gravir les échelons pour croiser Tyson, qui avait massacré tous les anciens, et manquait d’adversaire à sa taille. C’est par KO qu’il lui arracha le titre de Roi des arènes. Mais son tout 1er règne ne dura que 1 an et 3 mois (15 mois), car il croisera un autre dur à cuire du nom de Yakhya Diop, alias Yékini (Ndakaru), qui l’évincera le 28 mars 2004. Obsédé par le titre, le Mbourois, comme le sphinx, renaîtra de ses cendres. Après dix ans d’attente et de lutte acharnée, le B52 reviendra conquérir à nouveau le sceptre de l’arène face à Balla Gaye 2, en 2014. Cette fois, le natif de Mbour restera 4 ans et 1 mois (49 mois), puisqu’il sera à nouveau évincé par Eumeu Sène (Tay Shinger), le 28 juillet 2018. Ses 2 règnes cumulés font 5 ans 4 mois (64 mois). Mais l’histoire retiendra que Bombardier est celui qui a été Roi des arènes, deux fois. Une prouesse historique, vu la constellation de stars et de jeunes espoirs frappant à la porte des ténors chaque saison.
Balla Gaye 2, Roi à 26 ans (2012-2014)
Il est à ce jour le plus jeune Roi des arènes, car, quand il battait Yékini, Omar Sakho (Balla Gaye 2) avait 26 ans. Le Lion de Guédiawaye, sociétaire de l’école de lutte Balla Gaye, avait lui aussi fait des malheurs dans son parcours, battant ses aînés et ses camarades de génération pour parvenir à Yékini qu’il détrôna avec la manière. Mais son règne ne dura que le temps d’une rose. Il sera détrôné à son tour le 8 juin 2014 par Bombardier de Mbour, cet ancien Roi ayant repris le sceptre qu’il avait perdu 10 ans auparavant. Le règne du fils de Double Less a été éphémère, il n’a duré que 2 ans 1 mois, soit 25 mois.
Mais ce qu’il faut retenir du Lion de Guédiawaye, c’est sa trajectoire jusqu’au titre suprême de l’arène, sa technicité, son courage, son style (Bad Boy), son image qui plaît aux sponsors et autres bailleurs de la lutte. En plus, à 26 ans, il a fait ce qu’aucun lutteur n’a pu faire: battre le terrible Yékini qui était devenu un totem dans l’arène. Sa chute a permis à Bombardier de revenir, lui qui n’avait jamais eu la moindre chance face au baobab de Bassoul qui l’avait laminé 3 fois de suite.
Yékini le plus titré en compétitions internationales
Yakhya Diop (Yékini) n’a pas été joint à notre liste, mais nous ne pourrions parler de rois charismatiques sans le citer. Son mérite est certes d’avoir régné 8 ans, mais comparativement aux autres rois, il se particularisait également par son talent à l’état pur et demeure, à ce jour, le combattant le plus titré de sa génération en compétitions internationales de lutte traditionnelle. Il a remporté plus de 60 tournois entre 1992 et 1997. Capitaine de l’équipe nationale de 1998 à 2001, Yékini a décroché 2 médailles d’or aux Championnats d’Afrique de Cotonou (Bénin) en 1998. L’année suivante (1999), il remporte une médaille d’argent aux Jeux africains de Johannesburg (Afrique du Sud) en lutte gréco-romaine. En 2000, au top de son art, Yékini rentre de Niamey (Niger) avec 2 médailles d’or, lors des championnats d’Afrique, plus le titre de meilleur lutteur africain. Il mit fin à ses sorties internationales en 2001 avec 2 médailles, 1 en or et l’autre en argent, lors des championnats d’Afrique de Ouagadougou au Burkina Faso, plus le titre de meilleur lutteur africain.
Mais en termes d’apports directs à la lutte, Tyson vient avant Yékini pour avoir fait exploser les cachets qui atteignent aujourd’hui des sommes mirobolantes (100, 150 millions par combat), permettant aux lutteurs de vivre aisément de leur art.
Mamadou KONÉ, New-York-City (USA)