Yatma Diop fait partie de ceux qui pensent que le Sénégal avait les moyens d’aller jusqu’au bout en Côte d’Ivoire. Dans cet entretien avec Stades, l’ancien international et joueur du Jaraaf de Dakar se prononce sur l’avenir d’Aliou Cissé, la retraite ou non des anciens, l’équipe-type de la CAN 2023 sans un Sénégalais…
Entretien.
Comment avez-vous vécu l’élimination précoce du Sénégal en Côte d’Ivoire ?
On était très offensif lors de la première phase, mais on a subitement changé de tactique au 2ème tour. Je faisais partie de ceux qui pensaient que la Côte d’Ivoire ne pouvait pas faire peur au Sénégal, c’était à eux d’avoir peur de nous. Donc, il ne fallait pas leur donner l’occasion d’espérer dans cette rencontre. On devait tout faire pour tuer le match en marquant ce 2ème but. J’avais dit qu’on allait vers un match compliqué si jamais on ne marque pas assez de buts. Parce qu’il y avait le public à prendre en compte, mais aussi l’arbitrage.
Donc vous pensez que l’arbitre a joué un rôle dans cette élimination ?
Bien sûr ! Ce dernier a vraiment triché, il a fauté. Il a refusé un penalty valable au Sénégal sur une faute sur Ismaïla Sarr. Le carton rouge non donné à Sadio Mané l’a aidé après dans son projet de faire égaliser la Côte d’Ivoire. . Il s’est rattrapé sur l’action de Sadio Mané, qui je pense devait être expulsé sur son tacle en début de match (10’ sur I. Sangaré). Le gardien Mendy (Édouard) a, lui aussi, fait une mauvaise lecture de jeu sur l’action du penalty. Il ne fallait pas donner à l’arbitre la possibilité de siffler le penalty, parce qu’il était là pour ça.
Pour certains, le coach Aliou Cissé est le principal responsable de cette défaite. Partagez-vous cette idée ?
Le coach (Aliou Cissé) n’a rien fait, il n’a pas fauté. Quand on perd un match, on attaque le coach. Donc, je ne suis pas d’accord que les gens l’attaquent. Je ne vois pas la faute d’Aliou Cissé dans cette élimination. Les gens vont dire qu’il a défendu face à la Côte d’Ivoire. D’accord ! Mais c’était une option et ça a marché pendant 87 minutes. Et puis, il y avait d’autres techniciens à côté de lui sur le banc. Mais est-ce qu’ils se sont concertés dans ce match ? Je ne pourrais le dire. Mais si j’étais à côté d’Aliou Cissé sur le banc ce jour-là, j’allais lui dire de changer de fusil d’épaule.
Donc vous êtes pour qu’il reste sur le banc…
Si on enlève Aliou Cissé, il faudra mettre quelqu’un d’expérience. Ce n’est pas évident. Il y a trop de manipulations dans ce dossier. Dans pareille situation, tout le monde donne une opinion, je connais ça parce que je suis un sportif. Mais si cela ne dépendait que de moi, on va le laisser continuer son travail, parce qu’il connaît le groupe et il y a des échéances qui arrivent. Pourquoi changer pour changer ?
Pensez-vous que le Sénégal a les moyens d’aller chercher d’autres CAN ?
On a des anciens et des jeunes footballeurs de qualité. On a les moyens pour gagner encore des Coupes d’Afrique des Nations. On est plus forts que nos adversaires, donc on doit les attaquer et non rester derrière. On ne doit pas se contenter du peu (1-0). Pour gagner, il faut marquer des buts. C’est ce qu’on avait bien compris lors des matchs de poules dans cette CAN, mais malheureusement on a changé de tactique en phase à élimination directe. On a laissé le jeu à la Côte d’Ivoire pendant qu’elle ne pouvait pas nous mettre un but. On leur a donné la cravache pour nous taper.
Quelle est votre position par rapport au débat sur les retraites ou non des cadres (Sadio, Gana, Kouyaté et Koulibaly) ?
Kalidou Koulibaly, Sadio Mané, Gana Guèye et Cheikhou Kouyaté ont entre 31 et 34 ans. S’ils ne peuvent plus continuer, ils vont arrêter, c’est certain. Mais s’ils peuvent continuer, ils vont continuer à porter les couleurs nationales. On ne peut pas les chasser, ils méritent du respect. Ils nous ont valu des satisfactions en équipe nationale. Ce sont eux qui ont gagné notre premier trophée en Coupe d’Afrique des Nations. Ce sont des joueurs professionnels, ils connaissent les rythmes des matchs de haut niveau. Je ne suis pas d’accord que les gens disent qu’ils doivent arrêter parce qu’ils sont âgés ou ont duré dans l’équipe. Leur départ en Arabie saoudite (Koulibaly et Sadio) n’est pas aussi un prétexte pour demander leur départ. Leur départ pour l’Arabie saoudite n’est pas un hasard, le football est devenu un business.
Pour la première fois depuis 2017, aucun Sénégalais ne figure dans l’équipe-type de la CAN. Du recul ?
Cela me fait très mal de voir l’équipe-type de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) sans la présence d’un footballeur sénégalais. Parce qu’on avait les moyens et l’effectif pour aller jusqu’au bout. Au sortir du premier tour, Lamine Camara était désigné meilleur jeune joueur, alors que Cissé était meilleur entraîneur. Dans l’équipe-type, on avait Kalidou Koulibaly, Lamine Camara et Ismaïla Sarr. Donc, il y a forcément des regrets. On a toujours les meilleurs joueurs, mais on est souvent éliminé sur des détails. C’était le cas en 1968, à Asmara. Tout le monde, dont la presse française, était unanime qu’on avait la meilleure équipe à l’époque. La preuve, nos deux adversaires en phase de poules (Ghana et Congo Kinshasa) avaient disputé la finale.
Il paraît que vous êtes le premier Sénégalais à figurer dans une équipe-type de la CAN en 1968…
Oui ! Mais je n’étais pas seul. Il y avait aussi le milieu de terrain droit Louis Gomis. J’avais marqué deux buts dans cette compétition. D’abord contre le Ghana en ouverture (2-2, 65’), ensuite contre le Congo Brazzaville (2-1, 27’). Je jouais ailier gauche, même si je suis un droitier. Avec Louis Gomis, on s’entendait à merveille sur un terrain, on se comprenait, il me faisait jouer. On jouait dans le même club, le Foyer France Sénégal (actuel Jaraaf de Dakar). La plupart de mes buts provenaient du côté droit de Louis Gomis. Ce dernier était incontrôlable…
Abdoulaye DIÈYE
«Il fallait tuer le match contre la Côte d’Ivoire»
«Sadio Mané devait prendre le carton rouge»
«L’arbitre a triché, il y avait faute sur Ismaïla Sarr»
«Ce que j’allais dire à Cissé, si j’étais sur le banc»
«On a les moyens pour gagner encore des CAN»
«Sadio, Koulibaly, Gana et Kouyaté méritent le respect»
«J’étais dans l’équipe-type en 1968 avec Louis Gomis»