Mady Touré, président de Génération Foot, champion du Sénégal en titre de Ligue 1, n’a pas sa langue dans la poche. Figure de proue du football local, il porte un regard sans complaisance sur la Fédération sénégalaise de Football (FSF).
Entretien.
Que pensez-vous de l’académie fédérale créée par la FSF ?
C’est une excellente idée de créer une académie fédérale car, il y a de la place pour tout le monde. Il faudra qu’ils expliquent : «qu’est-ce qu’une académie fédérale ? «Car, une académie fédérale, c’est une tranche d’âge de 12 à 15 ans.
Il faut qu’à 16 ans que le gamin quitte l’académie. Est-ce une académie fédérale fermée ou externe ? Des échos que j’ai, les gamins ne sont pas logés. Avoir une académie fédérale, c’est un coût et je suis bien placé pour le dire.
Une académie fédérale, c’est 2 à 3 millions d’euros (1,8 milliard FCFA). Cet argent pourrait servir les clubs et à la réhabilitation des stades dans la plus grande transparence. Je voudrais bien savoir le contenu de l’académie fédérale. J’ai fait Guéréo, Toubab Dialaw et il y a des choses à améliorer. Les primes de plus 100 millions qu’on donne aux dirigeants de la FSF, c’est mieux de l’investir dans ces centres-là. Ce que j’ai vu laisse à désirer, à savoir les conditions d’hébergement, la cuisine, les terrains d’entraînement, tout doit être revu. Ce qu’il y a là-bas, c’est insuffisant. Dans le recrutement, est-ce que ces jeunes sont dans les clubs amateurs ou professionnels ? Demba Ba, Cheikh Mbengue, Étienne Mendy m’ont consulté quand ils installaient leur centre.
J’ai été invité en Algérie par le club FC Paradou qui prend modèle sur Génération Foot. Au Maroc, les Marocains me disent : «Mady devait être Marocain». Leur président de fédération de football, Fouzi Lekjaa, a pris exemple de GF sur le cas de Sadio Mané. Si j’étais Marocain, j’allais bénéficier des avantages fiscaux et une subvention pour développer le projet dans le royaume. Mon ami Idrissa Diallo (président fédération ivoirienne de football), que je félicite au passage, a bien compris les enjeux du football moderne pour octroyer à tous les clubs de Ligue 1 et Ligue 2, des bus de dernière génération.
Est-ce que vous allez changer de politique cette saison si l’on sait que l’année dernière, vous avez vendu 22 joueurs ? Peut-on avoir une estimation du quota qui
va partir cette année à l’étranger ?
Je ne veux pas entendre le mot vendre, mais plutôt transférer. Nous les laissons partir gratuitement. On renonce à l’indemnité de formation qui est de 310.000 euros et l’indemnité de transfert de 0 à X. On regarde l’intérêt des joueurs, dont la majorité sont issus de famille démunie. Ce qu’on va faire l’année prochaine, je ne sais pas. Ce qui est sûr, il n’y aura pas 22 départs. Nous n’attendons rien d’autre de ces garçons que de la reconnaissance.
Bientôt, ce sont également les élections du président de la FSF, jusqu’à présent, les réformes des textes ne sont pas réalisées alors que c’était une promesse électorale, qu’en pensez-vous ?
C’était une promesse électorale, on attend toujours. Et s’ils sont à nouveau candidats aux élections de la FSF, ils vont encore faire cette promesse. Si nous voulons progresser, il faut réformer les textes. Par contre, ils ont sorti un nouveau règlement concernant les infrastructures. Mais, ils devaient d’abord réformer les textes. L’urgence, ce sont les textes, pas les infrastructures, en interdisant à Diambars et Génération Foot de recevoir dans leur propre stade. On est allé jouer dans différents stades et ils ne sont pas mieux lotis que Génération Foot et Diambars. Ils devaient réformer les textes depuis longtemps, c’était une promesse, un engagement et ils sont en fin de mandat. Cependant, 15 ans après, on n’a pas encore reçu une ligne de leurs textes. Et s’il faut réformer, il faut changer le scrutin de vote. Il y a beaucoup de choses à changer, surtout au niveau de la DTN, également d’avoir un programme quinquennal ou décennal. À la fin de leur magistère, ils auront fait 16 ans et il n’y a pas eu un changement de réforme, à part les terrains. Par contre, je suis très heureux quand je vois que mon programme a été utilisé par le président Bassirou Diomaye quand il parle du fonds de solidarité. Cela veut dire que mon programme est réaliste et réalisable.
Les élections de la fédération vont se dérouler l’année prochaine en 2025, allez-vous vous présenter à nouveau ?
Le football n’a jamais servi de tremplin pour moi. J’ai toujours travaillé pour le football. Je ne suis pas obnubilé par un poste, mais par le développement du sport. Il reste un an et demi. Tant que je suis toujours dans le football, je suis toujours candidat.
Le coach Aliou Cissé est reconduit à son poste, vous approuvez ?
Tout le monde savait que le coach allait finir son contrat le 31 août. Est-ce qu’il y a eu un plan B ?. Je ne sais pas ce qui est écrit dans le contrat d’Aliou Cissé, il a été reconduit jusqu’en 2025. Dans ce contrat, il y a des objectifs qu’il n’a pas atteints lors de la Coupe du monde au Qatar. Aliou Cissé n’est pas le seul dans cet échec en Côte d’Ivoire. D’ailleurs, la préparation pour la CAN au Cameroun est différente de celle de la Côte d’Ivoire. Il y a eu Manko Wutti Ndamli, je peux ajouter qu’il y a eu Manko Wutti Khaliss et aussi Manko détruire Génération Foot et Diambars (rires). Ils l’ont fait au vu et au su de tout le monde. Pour revenir à Aliou Cissé, il faut renouveler l’effectif, je n’ai rien contre les cadres. Mais, il faut penser qu’en 2026, on a une Coupe du monde et trois Coupe d’Afrique d’ici 2029. À cette date, certains joueurs ne seront plus aptes.
Et qu’est-ce qui n’a pas marché à la CAN en Côte d’Ivoire ?
Je l’ai dit, la préparation pour la CAN au Cameroun est différente de cette année. Nous avons fait marche arrière pour apaiser la situation et voir les intérêts du foot. Il y avait de bonnes volontés qui voulaient garder une sérénité avant d’aller à la CAN. Le président Macky Sall s’est impliqué pour qu’on fasse la médiation avant d’aller à la CAN dans de bonnes conditions.
Deux personnes du COMEX, voire trois personnes, ont porté le combat contre Génération Foot et Diambars, ce que je trouve déplorable et inégalant. Ils savent de quoi je parle ! Quand j’entends certaines personnes dire que cette décision a été portée à l’Assemblée générale ordinaire de la FSF, c’est faux. Je ne peux pas être présent et accepter une telle décision. J’ai plutôt entendu des éloges du président Me Senghor pour avoir gagné le championnat. Si je me réfère aux 7 points du doyen Koumé sur l’échec du Sénégal à la CAN, je peux dire que cette crise en fait partie.
Anta Faye DIOP