Pendant plus de vingt ans, le Camerounais Issa Hayatou s’est opposé avec fermeté au changement de calendrier des phases finales de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), demandé par la FIFA et l’UEFA. Depuis son départ en 2017 du Camerounais de la présidence de la CAF, la date de la phase finale de la CAN est devenue sans date fixe, aléatoire, assujettie à la FIFA.
Tantôt elle est disputée en juin – juillet (Égypte 2019), tantôt en janvier-février (Cameroun 2021 et Côte d’Ivoire 2023), et maintenant, le COMEX a décidé vendredi dernier que la prochaine édition se tiendra au Maroc du 21 décembre au 18 janvier 2026.
La CAN perd, du coup sa souveraineté chèrement acquise sous Issa Hayatou, car elle est prise entre deux feux nourris de la FIFA et de l’UEFA. Tout est parti d’un gros désaccord entre les deux instances sur la surutilisation des joueurs, car Gianni voulait une Coupe du monde toutes les deux années. Une mesure qui n’avait agréé la richissime confédération européenne et qui la fait savoir de manière véhémente. Lasse de se voir rabrouer par l’UEFA, qui tient un filon à travers la Ligue des champions européenne, qui génère des milliards d’euros par an. Ce qui la maintient à flots et à l’abri des humeurs de la FIFA, dont le patron se montre de plus en plus agaçant et encombrant. Il ne lui restait qu’à domestiquer la CAF pour assouvir ses besoins d’expansion.
Victime de la guéguerre entre FIFA et UEFA
À titre informatif, l’UEFA a obtenu des recettes qui gravitent autour de 15,2 milliards d’euros (2022-2023), soit une hausse de 7% par rapport à la saison précédente. Durant cette année sans Euro masculin, 86% des recettes totales sont générées par les compétitions masculines. 75% des recettes sont reversées aux clubs qui participent aux différentes épreuves. Du coup, elle hérite d’un pactole annuel qui lui permet de faire face à ses besoins et de se projeter sereinement dans l’avenir. Mieux, elle peut déployer son influence sur le reste du monde.
Ce qui n’est pas du goût de la FIFA, dont la seule activité demeurait la Coupe du monde qui se tient tous les quatre ans. En comparaison à l’UEFA, la FIFA affiche au même moment un net de 2,3 milliards USD Toutefois, le bilan reste solide avec des actifs dont le montant s’élève à 6,7 milliards USD. Après avoir multiplié ses compétitions avec les petites catégories et les filles, la FIFA n’a pas pu organiser une coupe du monde tous les deux ans du fait de l’opposition de l’UEFA. Une annonce qui a fait se lever une grande partie de la peuplade du football pour fustiger et dénoncer cette «forfaiture», en ce sens qu’elle tuait l’enjeu et cramait les acteurs.
Sentant le vent contraire lui agresser le faciès, l’Italien, patron de la FIFA, opérait un recul stratégique. Car ne voulant pas se mettre à dos la puissance des Européens et surtout leur influence manifeste sur le football, dans sa globalité.
Il lance plus tard un ballon de sonde sur la possibilité de tenir la CAN tous les quatre ans. Là aussi, le vent de contestation a été d’une telle violence que le recul était inévitable. Les 54 voix africaines ont leur impact dans le choix du président de la FIFA, mieux valait ne pas se les aliéner et de froisser les egos.
Cherchant vaille que vaille à trouver un produit, une compétition qui lui permette de concurrencer la Ligue des champions européenne et de trouver d’autres sources de revenus, l’étude du projet sur une coupe du monde des clubs a fini de livrer ses conclusions. Finalement, une date a été retenue pour sa première édition, du 15 juin au 13 Juillet 2025, aux États Unis, avec 32 clubs. Comme par hasard, cet évènement en année impaire, coïncide avec la saison de la 35ème biennale de la CAN que doit accueillir le Maroc. Résultats des courses, un aménagement du calendrier mondial des compétitions : forcément, c’est l’Afrique qui devra s’ajuster. Alors que ni l’Euro de football, encore moins la Copa América, qui sont programmés à dates échues, se tiennent à la régularité d’une horloge suisse. Impensable avec ces responsables qui tiennent encore à leur autonomie dans la gestion de leur agenda.
La pression des clubs européens
Entre le marteau de la FIFA et l’enclume des présidents de clubs européens, la CAF a toujours subi de grandes pressions pour ne pas organiser sa compétition phare en hiver. Du moins entre janvier et février, période de reprises dans les championnats européens payeurs de la grande majorité des expatriés. Seulement, Issa Hayatou est toujours resté ferme et droit dans ses bottes. «Ceux qui veulent venir viendront et ceux qui ne veulent pas resteront avec leurs clubs. La compétition se tiendra», martelait l’ancien président évincé en 2017, pour mettre fin à cette atmosphère nauséabonde et savamment entretenue par une certaine presse étrangère.
À y voir de près, les dates choisies pour la tenue de la 35ème édition, on peut aisément constater que les clubs du Vieux Continent, n’auront pas à se plaindre. Sauf l’Angleterre qui joue des matchs importants à cette période de l’année.
Il est malheureux de constater que depuis le départ du Camerounais, la date de la tenue de l’évènement majeur en Afrique est à chercher dans les colonnes du calendrier grégorien.
In fine, si la CAF est agressée de toutes parts, c’est qu’elle a du mal à obtenir son indépendance financière.
Séga DIALLO