Pour l’une de ses rares interviews dans les zones mixtes de stade de Ligue 1 française (avec la presse écrite), depuis son arrivée à la tête de la coordination du Racing Club de Strasbourg, Kader Mangane a choisi l’après-match Paris SG / Strasbourg (3-0), samedi, au Parc des Princes. Détendu, accueillant et souriant, la poignée de main ferme, l’ancien joueur du club d’Alsace s’est installé au bout des allées de la zone mixte du stade parisien. L’ex-capitaine des Lions avait promis quelques minutes il est resté presque une demi-heure heure.
Entretien
Que ressentez-vous après cette troisième défaite d’affilée du Racing Club de Strasbourg en championnat ?
Nous n’en sommes qu’à la neuvième journée du championnat (Ligue 1 française). Maintenant, ce n’est que le début. Il reste beaucoup de points à prendre, on va tout donner. On reste une équipe qui a beaucoup d’ambitions, avec parfois de petites erreurs. On a pris 10 points après 9 journées de Ligue 1. Aujourd’hui, on enchaîne une troisième défaite de suite. On savait qu’en jouant Paris, il ne fallait pas commettre d’erreur. On sait que face aux Parisiens, ça ne pardonne pas. J’en suis conscient.
C’est donc un revers de plus ce soir ?
Après celle d’aujourd’hui, oui c’est une défaite de plus. Il faut qu’on s’habitue à faire moins d’erreurs. Je pense qu’on a fait de petites erreurs et ça nous coûte des points. Aujourd’hui, on a senti une équipe beaucoup plus concentrée que ces derniers week-ends. Je suis satisfait du contenu. Malheureusement, il n’y a que le résultat qui est décevant.
Peut-on résolument dire que Strasbourg est dans une dynamique difficile avant son déplacement à Rennes, dans une semaine ?
C’est vrai, dans une semaine, on a un déplacement difficile à Rennes. Là-bas, ce sera autre chose. Il y aura plus de pression, on s’attend à quelque chose de plus dur. On va se préparer pour aller prendre des points. On sait tous que le championnat va être long et difficile. On va avoir des passages plus ou moins difficiles. On est un peu dans le dur, mais cela ne nous empêche pas de continuer à travailler. On va toujours avoir l’ambition de jouer.
Habib Diarra a été l’auteur d’une bonne prestation en deuxième mi-temps (PSG-Strasbourg 3-0). Quel regard portez-vous sur le début de saison de votre compatriote ?
Habib est jeune joueur à fort potentiel. Il travaille bien, on compte beaucoup sur lui pour l’avenir. Nous n’avons pas d’inquiétude particulière pour lui. En première mi-temps, on l’a moins vu. Mais, en deuxième mi-temps, il a su rehausser son niveau de jeu. Vous savez, quand une équipe est en difficulté, c’est difficile d’être constant. On demande à nos joueurs d’être constants durant les matchs. Mais, on sait que ça va venir. Depuis qu’il est avec nous, c’est un joueur qui a déjà montré son niveau. Il a des qualités. C’est un joueur très intéressant.
Habib Diarra a fait son choix de porter les couleurs de la France avec les Espoirs. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Habib, j’ai beaucoup parlé avec lui. J’ai été joueur moi-même donc je comprends la situation. J’ai été international sénégalais. Habib est Sénégalais. Il aime beaucoup son pays, sa famille aussi. Je connais Habib, c’est quelqu’un de super bien. Mais, je respecte ses choix. L’équipe nationale nécessite qu’on y mette le cœur. J’aurais aimé qu’il joue pour le Sénégal, mais je respecte ce choix.
Il y a aussi le poids de la famille…
La famille, oui, bien sûr que ça pèse. Mais c’est lui qui va être sur le terrain. Je connais sa famille et je sais qu’elle le soutient pour qu’il joue un jour peut-être pour le Sénégal. C’est-à-dire de sorte qu’il y ait toujours la possibilité de jouer pour le Sénégal. Mais, le plus important c’est le joueur. Sur ce sujet, c’est simple. C’est le choix du joueur, pas la famille. Le joueur choisit quelle équipe il veut.
Vous pensez qu’il viendra un jour ?
Nous savons que dans le football il n’y a pas de certitude. Pour moi, que ce soit le Sénégal ou la France, tout est possible. C’est à lui de faire le choix, c’est-à-dire de l’équipe nationale de son choix. Habib n’a que 19 ans. C’est un joueur très jeune, qui a beaucoup de talent. Et il doit continuer à grandir et à apprendre. On verra jusqu’où ça va aller, j’aurais aimé que ce soit pour le Sénégal.
C’est souvent un choix difficile. Êtes-vous du même avis ?
J’ai toujours dit que la chose la plus importante, c’était le choix personnel. Je n’ai aucun doute là-dessus. D’ici là, on verra s’il aura la chance d’être rappelé encore par Aliou Cissé. S’il est rappelé, c’est lui qui est maître de sa décision. Il la prendra quand il souhaitera la prendre. Il n’y a pas de souci du moment où il continue à progresser. On aura toujours besoin de lui pour jouer en équipe de France ou pour le Sénégal.
Vous l’avez pris sous votre aile ? Que lui avez-vous conseillé quand Aliou Cissé l’a appelé ?
Quand Aliou Cissé l’a appelé, on a pu échanger dessus. Je lui conseille de faire un choix du cœur, c’est-à-dire suivre ce que son cœur lui dit de faire. Je lui ai dit : «il faut que tu crois en quelque chose et que tu as le cœur». Il faut que le choix soit dicté par le cœur. Pas un choix orienté. Quand on choisit les couleurs nationales du Sénégal, ça doit être avec le cœur. On ne doit pas forcer quelqu’un à jouer pour le pays de ses parents, alors qu’il ne veut pas. On ne joue pas si on n’a pas envie de jouer. Je lui ai dit : «moi je ne peux pas prendre une décision à ta place». Vous savez, j’ai été un international sénégalais et mon cœur bat toujours pour le Sénégal. Maintenant, il faut qu’il écoute son cœur tout simplement.
Qu’est-ce que ça vous a fait d’entendre que le plan A des binationaux n’est pas souvent le pays d’origine ?
Je n’aime pas trop parler de ça, je préfère les laisser faire leur choix. C’est tout simplement parce que nous sommes tous des Africains et chacun a le droit de choisir où il veut jouer. Un joueur binational peut choisir de jouer pour l’un des pays dont il possède la nationalité. Chacun est libre de jouer où et quand il veut. Qu’on soit né en Europe ou en Afrique, ce n’est pas le plus important. Mais qu’on soit clair sur ce que l’on veut. Le plus important, c’est là où on veut jouer en tant qu’international. Il ne faut jamais dire : «non, le garçon n’aime pas le pays de ses parents ou je ne sais quoi», comme j’ai pu entendre. Dès fois, ça reste dans un coin de la tête. On ne va forcer personne à chanter l’hymne du pays d’origine ou du pays d’accueil. Si on veut jouer, il faut s’engager.
Comme Habib Diarra, Habib Diallo, un autre compatriote, est aussi passé par Strasbourg. Quelles sont les vraies raisons de son départ vers l’Arabie saoudite ?
Le mercato, c’est toujours compliqué. Plus on se rapproche de la fin, plus c’est compliqué. Pour Habib Diallo, on avait eu un accord verbal l’année dernière. Il a eu des offres en début de saison, mais aucun contrat n’a été paraphé. On avait refusé les offres. Cette année, on s’était dit : «s’il y a une offre qui correspond au club et que le joueur s’en sort on ne pouvait pas ne pas le laisser partir». Cette année, il y a eu une offre de l’Arabie saoudite et le joueur a voulu partir. Après, on a accepté l’offre de transfert. Il y a eu un accord entre les deux clubs pour son transfert. On lui souhaite plein succès dans sa carrière. Lui souhaiter une bonne chance et lui apporter tout le soutien du club. En tant qu’encadreur, je ne peux qu’être content pour lui. Je suis persuadé qu’Habib va continuer à progresser.
Habib Diallo n’a pas été appelé en équipe nationale pour la Coupe du monde au Qatar. Comment se sont passées les semaines du Mondial 2022 ? Dans quel état d’esprit était-il ?
J’ai vécu ses moments avec lui. Je l’ai encouragé à travailler. Ça a été un peu difficile, mais cela ne l’a pas empêché de faire une très bonne saison et de marquer 20 buts. Ce qui lui a valu d’être rappelé en équipe nationale. Aujourd’hui, il est retourné en section en tant que titulaire. Maintenant, il va continuer à progresser pour la prochaine édition de la CAN. C’est-à-dire continuer à faire les mêmes efforts pour aider l’équipe à aller plus loin.
Dans une interview sur le Net, vous avez évoqué votre rôle de coordonnateur sportif du Racing Club de Strasbourg. Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ?
Beaucoup de choses. Mais ça ne veut rien dire coordonnateur. C’est mon job et ça veut tout dire. Oui, je suis dans l’organigramme du club. Je m’occupe de beaucoup de choses à la fois. Il y a les relations avec les joueurs, la direction du club, c’est beaucoup de choses à la fois.
Votre nouvelle fonction vous donne-t-elle une nouvelle pression ? Comment gérer le stress ?
Le stress est partout, mais j’ai appris à me gérer, à gérer mon stress. À être un bon encadreur, à travailler de la bonne manière. Maintenant, le stress est perçu différemment, selon qu’on soit joueur ou non. Aujourd’hui, je ne suis plus sur le terrain. J’ai une autre fonction.
Partez-vous souvent en vacances au Sénégal ?
Oui, moi je me suis toujours senti 100% Sénégalais. Pour le Sénégal, je reste connecté. C’est toujours un plaisir de retourner au pays où j’ai grandi. Je garde un excellent souvenir de mon pays, et j’y ai laissé beaucoup de proches et d’amis.
Avez-vous des projets pour le Sénégal ?
Nous avons tous des projets pour notre pays. Le Sénégal est un pays que nous aimons tous. Mais, il est important de bien réfléchir à son projet. Il y a une volonté d’aider notre pays avec tout ce qu’on peut faire de mieux pour développer le football. On a beaucoup discuté avec des gens, de ce qu’on peut apporter. Mais, pour le moment, on continue à travailler pour bien apprendre notre métier.
Que préconisez-vous pour l’avenir du football sénégalais ?
Aujourd’hui, il y a beaucoup d’académies, mais je pense qu’il faut trouver de bonnes installations, une bonne éducation et un bon accompagnement. Le Sénégal est une terre de football. C’est une fierté de voir le Sénégal remporter des trophées dans presque toutes les catégories. Maintenant, il faut que le championnat sénégalais vive bien, la petite catégorie aussi. C’est l’accomplissement de tout un travail à faire derrière. Ça demande encore du temps mais avec les talents qu’on a, on va très vite prendre l’ascenseur. Il faut un championnat régulier en petites catégories. Il faut bien le structurer.
Le Sénégal dans la poule C de la CAN Côte d’Ivoire-2023 avec le Cameroun, la Guinée et la Gambie. Vous êtes confiants ?
Vous savez, c’est très difficile de faire des pronostics avant la compétition. La Coupe d’Afrique, c’est toujours très, très compliqué. Avec le Cameroun, la Guinée et la Gambie, la poule est très serrée c’est vrai, mais j’espère que le Sénégal va passer. Je suis Sénégalais, mais je ne peux pas vous dire vraiment les équipes qui vont sortir de ce groupe. Attendons l’arrivée de la compétition pour voir l’équipe qui sera le plus performante.
Quelles sont les chances du Sénégal dans cette compétition ?
Tout le monde a ses chances dans cette compétition. Après, le Sénégal est champion d’Afrique en titre, c’est forcément l’équipe favorite. Mais être favori ne veut rien dire. Le Cameroun, la Gambie et la Guinée ont de très bons joueurs. C’est important, mais je pense que le Sénégal va faire le job et pourquoi pas se qualifier au second tour.
Quel type de relation avez-vous avec le sélectionneur national Aliou Cissé ?
J’ai toujours eu de très bons rapports avec Aliou Cissé. On se connaît depuis longtemps. On a joué ensemble en équipe nationale. Je suis souvent en contact avec lui. Sur le terrain et en dehors, aujourd’hui je suis très heureux pour lui. Je suis très content de la performance de l’équipe à la Coupe d’Afrique (2021). Content parce que ce qu’il fait avec l’équipe nationale est de qualité. Ses performances avec la sélection lui permettent d’évoluer. Il a un groupe qui vit très bien. J’espère qu’il restera le plus longtemps possible à la tête de l’équipe nationale du Sénégal.
Alors, comment expliquez les critiques sur le style de jeu de l’équipe nationale, malgré les résultats ?
Aliou, depuis qu’il est là, les critiques sont toujours tombées. Il y a beaucoup de critiques sur lui. Ce qui ne l’a pas empêché de grandir. C’est ce qui fait sa force. Je l’admire beaucoup. Après tout ce qu’il a fait pour son pays, après tout ce qu’il a accompli, avec tout ce qu’il représente. Nous sommes dans un pays où tout le monde connaît le football. Tout le monde a le droit de critiquer. C’est comme ça. Mais, il faut qu’il continue à travailler. Pour Aliou Cissé, que l’on dise ce qu’on veut, il fait de bons résultats.
La génération 2002 semble s’installer dans le staff de l’équipe nationale du Sénégal ? Qu’en pensez-vous ?
Très heureux et très fier de les voir dans le staff. On a un bon staff. Vous savez, c’est important d’être parmi des gens avec qui on partage les mêmes valeurs. Des gens avec qui on a joué ensemble. On préfère ça que d’être mal entouré. Quand je vois les gens avec qui il travaille je suis content. C’est important, je connais la mentalité des gens autour de lui. C’est une très bonne chose d’être entouré par des hommes de confiance, qui connaissent le football. On va apporter notre soutien pour qu’ils expriment toutes ses énormes aptitudes.
Bamba DIAGNE (à Paris)