Le président de la Fédération sénégalaise de Basket-ball (FSBB), Me Babacar Ndiaye considère que le basket sénégalais se porte bien et qu’il réserverait de belles perspectives. Il revient sur les démissions de Moustapha Gaye, la sortie de Cierra Dillard, sa gestion, avant de dégager les perspectives de la fédération.
Entretien.
Président, quelle appréciation faites-vous des démissions de l’ex-entraîneur et directeur technique national Moustapha Gaye ?
Pour le poste d’entraîneur, c’était convenu qu’on mettrait fin au cumul après l’Afrobasket féminin. Donc, c’était décidé depuis longtemps. Il ne s’agit donc pas d’une démission mais plutôt d’une mise en œuvre d’un accord établi entre la fédération et le directeur technique national, Moustapha Gaye. Concernant sa démission de ses fonctions de DTN, j’en fais d’abord une appréciation positive sur l’homme pour tout ce qu’il a fait pour le basket sénégalais en tant que joueur, entraîneur et technicien. Maintenant, c’est une situation qui est arrivée. On ne peut que la regretter, tout en sachant bien évidemment que Moustapha Gaye pourra servir le basket sénégalais dans le futur.
Les Lionnes ont perdu en finale de l’Afrobasket féminin face au Nigeria (74-84) et les Lions ont également raté la qualification aux prochains Jeux olympiques de Paris 2024. En tant que président de la fédération, avez-vous des explications pour ces deux échecs ?
Vous ne pouvez pas parler d’échecs. Ce sont des tournois qui regroupaient toutes les meilleures équipes d’Afrique pour remporter la palme continentale (Afrobasket) ou se qualifier au TQO (tournoi pré-olympique). Pour les Lions, nous avons perdu avec un arbitrage plein d’erreurs. Ensuite, l’équipe n’était pas complète. Il y avait l’absence d’Ibrahima Fall Faye, de Mbaye Ndiaye et de Gorgui Sy Dieng. L’objectif reste maintenant l’Afrobasket 2025. La construction de l’équipe est en route. Pour l’Afrobasket féminin, l’objectif de la fédération était de monter sur le podium. On a eu la médaille d’argent à l’Afrobasket. Ce n’est pas un échec. Aujourd’hui, il est difficile pour nous de battre les autres pays africains, notamment le Nigeria.
Mais l’objectif initial était de reconquérir le titre continental…
Oui, mais déjà depuis que je suis là, nous avons fait quatre finales sur cinq participations dont une gagnée. Malgré tout, on ne peut parler d’échec. Le comportement du Sénégal à Kigali montre la vitalité de notre basket. Déjà les Lionnes pourront se qualifier aux prochains JO de Paris, si elles parviennent à passer le prochain tournoi de qualification olympique (TQO). Elle vont représenter l’Afrique, avec le Nigeria. Et, nous avons de belles perspectives.
Donc, vous pensez que la relève sera assurée chez les filles pour les prochaines échéances ?
Bien sûr, on peut le penser légitimement. Vous savez, nous avons dans l’équipe féminine beaucoup de joueuses qui étaient à leur première sélection et qui ont donc beaucoup d’avenir. C’était le premier Afrobasket pour Cierra Dillard et Fatou Pouye. Fatou Diagne était à son deuxième mais elle reste très jeune, ainsi que Yacine Diop. Ces joueuses peuvent continuer à servir et il y a d’autres jeunes qui vont arriver. Maintenant, il faudra maintenir les anciens qui ont le niveau pour jouer en équipe nationale. Seules les meilleures sont sélectionnables, cela doit être les critères quels que soient leurs âges. J’étais très inquiet pour le basket féminin, mais ce que j’ai vu à Kigali m’a encore donné de l’espoir. Je suis confiant mais il reste un travail à finir et à accomplir. Il faudra puiser dans l’équipe U25, chercher de bonnes joueuses dans la diaspora qui peuvent servir l’équipe nationale. Pourquoi pas faire revenir Mame Marie Sy pour le TQO de février prochain ? Je crois qu’elle pourrait nous apporter quelque chose.
Après la finale perdue, la sortie de Cierra Dillard a fait du bruit, indexant l’entraîneur sur sa façon de faire et son management du groupe. Avez-vous partagé son point de vue ?
Sur la forme, elle n’a pas raison. Elle pouvait le faire autrement. La fédération ne pourrait se prononcer en l’état actuel sur ces choses. Parce qu’elle a fait, sur le fond, de graves accusations. Maintenant, il faudra faire des enquêtes pour situer les responsabilités. J’avais parlé à Cierra avant de quitter Kigali. J’avais prévu aussi de la recevoir une fois à Dakar avec le DTN et entraîneur Tapha Gaye pour parler avec eux. Mais entre-temps avec les démissions, j’ai trouvé que l’affaire est devenue sans objet. C’est mon appréciation. Ce qui s’est passé à Kigali avec l’entraîneur est un incident et nous le regrettons très sincèrement.
Quelques jours plus tard, le président de l’ASC Ville de Dakar, Yatma Diaw, a défendu son «protégé» Moustapha Gaye et estime que vous êtes resté indifférent à la situation ?
La fédération n’est jamais restée indifférente ou insensible à ce qui s’est passé. Nous avons agi comme il le faut. Maintenant, ce sont des faits sur lesquels on ne pouvait pas prendre de décision sur le champ. Il fallait écouter tout le monde et prendre ensuite la meilleure décision.
Président, votre gestion du basket sénégalais est décriée notamment par certains anciens et anciennes basketteurs sénégalais. Croyez-vous réellement que ce sport est en bonne santé au Sénégal ?
Le basket sénégalais se porte bien. Nous avons joué trois finales au mois d’août. Nous sommes le seul pays dans le continent à l’avoir fait ! Nous avons glané une médaille d’or aux Jeux de la Francophonie et les deux finales en Afrobasket et au tournoi pré-olympique. On ne peut pas aujourd’hui soutenir de façon objective que ce sport va mal. C’est travestir la vérité et la réalité. Nous jouons toutes les compétitions. En championnat, les Coupes sont régulières et la petite catégorie s’est engagée dans les compétitions africaines. Il n’y a pas de crise entre la fédération et une autre structure.
Mais l’équipe fédérale actuelle semble ne pas être en bons termes avec les anciens et anciennes basketteurs…
Nous ne pouvons pas prendre ou communiquer avec tout le monde. Concernant les anciens, nous travaillons avec l’ancien capitaine des Lions Malèye Ndoye, Matar Ndiaye ou encore DeSagana Diop. Chez les filles, il y a par exemple Khady Diop, Mborika Fall. Donc, les anciens sont là, au niveau même du Comité directeur. Ceux qui veulent venir doivent passer par des clubs en respectant les statuts de la fédération. On fait ce que les textes nous permettent. Je l’ai toujours dit : je suis ouvert au dialogue, aux critiques et à une gestion inclusive. Aujourd’hui, un bureau fédéral a été élu, tout le mouvement associatif doit se mettre du côté de cette fédération pour le développement du basket. J’ai été président de club pendant huit années, personne ne m’a entendu m’attaquer à la fédération. J’ai toujours concentré mes forces sur mon club. Ceux qui critiquent la fédération n’ont pas un meilleur palmarès que moi aussi bien sur le plan national qu’international.
Pourrez-vous me confirmer que vous êtes prêt à travailler avec votre adversaire à l’élection Pathé Keïta, ainsi que l’ancien président Baba Tandian et Cie ?
Je ne veux pas parler de personne pour ne pas créer un débat par presse interposée. Voila !
Votre candidature à un 3ème mandat et votre élection face au candidat Pathé Keïta ont été très contestées…
J’ai été réélu avec plus 70% des voix pour un 3ème mandat. Donc, l’usure du pouvoir n’a pas fait effet. Je rappelle que lors de mon 1er mandat, j’avais été élu avec 72%, avant de rempiler par acclamation en 2019. Légitime ? J’ai toujours tenu un discours de vérité et présenté un programme palpable et visible. J’avais un bilan avec la première qualification en Coupe du monde avec les U19, la première qualification des Lionnes au 2ème tour de Coupe du monde en 2018, un titre de vice-champion d’Afrique et des médailles de bronze chez les garçons et les compétitions régulièrement tenues ! La formation des entraîneurs, des commissaires et des arbitres ont constitué mon programme. Tout cela faisait que je n’avais aucune inquiétude quant à ma réélection. En plus, je garde bien mes rapports avec les clubs, je n’attends pas la veille des élections pour me rapprocher d’eux. Je suis un des rares présidents de fédération qui fait le tour du Sénégal et ayant un rapport quotidien avec tout le monde.
Mais vos adversaires, notamment certains anciens du basket, ont décrié tout au long de la campagne votre gestion et ont réclamé votre départ. Étiez-vous conscient de tous ces aspects ?
Je vais être clair. Je n’ai pas été élu par les anciens basketteurs. J’ai été élu par les clubs qui participent au développement du basket par les compétitions nationales et internationales. Je collabore avec d’anciens internationaux. Ceux qui ont des suggestions ou des critiques peuvent venir me le dire. Par contre, ce que je déplore et que je n’accepterai pas, ce sont les critiques par presse interposée. Ce n’est pas fait pour le basket. Aujourd’hui, il faut que les gens aient l’humilité de savoir que le basket est fait par les acteurs qui sont dans les clubs. Mon rôle est de rassembler et de s’ouvrir à tous. Souhaitons que nous ayons tous le même objectif pour le basket sénégalais. Je ne suis pas en conflit avec qui que ce soit. Je n’ai aucun problème avec les anciens. Par contre, je suis la personne morale de la fédération qui est régie par des textes.
Certains acteurs réclament aussi le retour des distinctions de «Roi» et «Reine» dans le basket local. Avez-vous pris en compte cette demande ?
Vous savez, mon rôle n’est pas de répondre à des personnes mais plutôt de travailler. Les distinctions du «Roi» et de la «Reine» n’ont jamais disparu. On avait juste changé de format. Pour la saison passée, il y avait ces distinctions mais malheureusement avec les imprévus, un calendrier chargé et pour beaucoup de raisons, on n’a pas pu organiser la nuit du basket. Mais cette année, on le fera.
Si des anciens considèrent qu’il y a trop de problèmes dans le basket sénégalais, c’est leur avis personnel. Mais, il faut savoir qu’on ne peut diriger le basket actuel comme dans les années 1980. Les compétitions sont jouées dans le haut niveau et nous travaillons pour maintenir le Sénégal au sommet. C’est une appréciation personnelle et je prends acte.
En conclusion, pouvez-vous exposer les prochains défis et perspectives de la fédération et du basket sénégalais ?
D’abord, on prépare le tournoi de qualification olympique avec les Lionnes en février 2024. Ce sera un tournoi mondial qui va regrouper dans une même poule le Nigeria et le Sénégal et un 3ème pays pas encore connu. Avec deux équipes qualifiées, il y aura certainement un représentant africain. Nous ferons vraiment tout notre possible pour une qualification des Lionnes aux JO de Paris 2024. Ensuite, nous sommes en train de bâtir une bonne équipe des Lions en vue de l’Afrobasket 2025 avec des révélations au dernier tournoi de Lagos, à l’instar d’Ousmane Ndiaye, de Gora Camara. Nous aurons une équipe compétitive. Il y aura également l’installation d’une 2ème division d’élite dans les meilleurs délais en deux conférences dont 8 équipes chacune. Cela permettra d’avoir après une 3ème division et une division régionale pour réussir une phase de massification. Il y aura aussi la formation des cadres techniques, qui est très importante, ainsi qu’un siège pour la fédération. Entre autres, voilà les objectifs sur lesquels nous travaillons pour développer le basket sénégalais. Il faudra aussi mettre en place très rapidement un directeur technique national (DTN) et un entraîneur pour les Lionnes.
Réalisé par Moustapha GUEYE