Ancienne internationale basketteuse sénégalaise, Mame Maty Mbengue considère que le basket sénégalais comporte beaucoup de «maux» qu’il faudrait éradiquer. Elle revient sur la participation des Lionnes au dernier Afrobasket à Kigali, la sortie de Cierra Dillard, les démissions de Moustapha Gaye et la gestion du basket sénégalais, entre autres.
Entretien.
Comment appréciez-vous la non-qualification des Lions au TQO ?
Je ne l’ai pas suivi entièrement, mais c’est désolant. Maintenant, il faut dire que le fait de faire beaucoup de changements de coachs peut être un facteur des échecs multiples d’une sélection. Il faudra donc détecter de bons joueurs. C’est un aspect aussi à prendre en compte.
N’est-il pas aussi lié au manque de joueurs évoluant en NBA ?
Bien sûr, cela peut poser problème. Si on prend l’exemple du Nigeria, ils ont des joueurs performants à l’extérieur, notamment en NBA. Il faut regarder maintenant pourquoi les joueurs sénégalais ne vont pas dans de bonnes équipes européennes ou américaines de type de 1ère division. Peut-être, ils sont pressés de partir à l’extérieur.
Les Lionnes du basket ont aussi perdu la dernière finale de l’Afrobasket face au Nigeria (74-84). Comment jugez-vous la prestation des protégées de Tapha Gaye ?
Du côté des filles, c’est une équipe qui est en train de préparer sa relève. Il y a des cadors qui sont venus accompagner les jeunes, c’est une bonne chose. Par contre, il faudra bien la faire. Les filles se sont bien débrouillées pour jouer une finale, malgré le fait qu’elles étaient grippées toutes au commencement. Ce qui explique leurs débuts pas très bons mais au fur et à mesure, elles se sont améliorées. En finale, l’équipe n’était pas à son meilleur niveau. Il y avait beaucoup d’énervement. C’est malheureux mais elles n’ont qu’à se refaire. Nous avons vu une très bonne équipe-relève des U25. Je pense que si elles sont bien accompagnées avec une très bonne formation, elles peuvent, dans l’avenir, représenter le Sénégal dignement.
Au terme de l’Afrobasket féminin à Kigali, la naturalisée sénégalaise Cierra Dillard a critiqué Moustapha Guèye sur son attitude en finale face au Nigeria. Comment appréciez-vous sa sortie ?
Tout le monde a vu le comportement de Moustapha Gaye (sur Fatou Pouye). Il faut comprendre que c’est son tempérament, mais il n’est pas méchant. C’est la fédération et la direction technique qui devraient le tempérer. En outre, Dillard ne connaît pas le Sénégal, ni nos règles et mentalités. C’est la première fois qu’elle joue avec l’équipe nationale, donc ça se comprend. Elle joue très bien mais elle doit revenir sur terre. Déjà, le problème de langage pose problème. Il ne parle pas nos langues. C’est une première barrière.
Donc, selon vous, elle est fautive…
Non, elle ne l’est pas. Sa réaction est naturelle. Dillard est dans son droit. Ce qu’elle ne comprend pas, c’est ce qu’on fait à l’extérieur est différent de ce qui se fait ici. Là-bas, tu n’oses pas gronder une joueuse. Donc, je comprends parfaitement son attitude. C’est une histoire où ni l’un ni l’autre a raison. Dillard a juste dit ce qu’elle a vu mais aussi Tapha Gaye est toujours resté le même. En 2015, on l’a vu avec son tempérament sur les joueuses. Il ne faut pas chercher des raisons qui n’existent pas. Maintenant, s’il y avait un DTN autre que lui-même (Moustapha Gaye), il allait parler de ça et prendre des dispositions. Malheureusement, ce n’était pas le cas en ce moment.
Après l’Afrobasket, le directeur technique national et en même temps entraîneur des Lionnes, Moustapha Gaye, a démissionné de ses fonctions. Quelle lecture avez-vous fait de cette situation ?
Moustapha Gaye est un humain. Il faut dire qu’on se critique partout. Mais vu son tempérament, il ne pouvait pas faire autrement. Je pense que c’est même mieux parce que ça prouve qu’il aime le basket sénégalais. Tapha n’a plus rien à prouver. Il a fait des erreurs mais c’est un bon technicien, il ne faut pas le nier. Il peut s’en aller et laisser à un autre qui sera sûrement bien choisi par le bureau fédéral.
Globalement, peut-on dire que nos équipes nationales ne sont toujours pas à leur meilleur niveau ?
Chez les filles, le niveau est là parce que dernièrement, elles sont arrivées en finale. Déjà, les Lionnes ont raté des matchs amicaux qu’elles devaient faire aux USA, en plus les difficultés rencontrées. Il n’y a pas de problème chez les Lionnes. Il y a une gestation d’une bonne nouvelle génération qu’il faudra accompagner et encadrer. Les Lions, quant à eux, il y a trop de problèmes là-bas. Il faudrait revoir tout en bloc et déceler les soucis et le blocage à leur ascension.
Maintenant, selon vous, qu’est-ce qu’il faudra faire pour revenir au-devant de la scène continentale et internationale ?
Je pense qu’il faut détecter les joueurs qu’il faut. D’abord, à l’extérieur et les joueurs locaux, il ne faut pas les oublier. Mais qu’ils soient des patriotes. Parce que tu ne peux sélectionner un joueur ou une joueuse qui ne connaît rien de nos réalités ou des valeurs sénégalaises. Ensuite, il faut puiser dans notre championnat local. Il y existe des jeunes talentueux qui peuvent jouer en équipes nationales. Ceci leur donnera plus de confiance. À l’époque, plus de 60% de l’équipe nationale jouait dans le championnat local. Seules deux ou trois joueuses évoluaient à l’extérieur. Il faut s’inspirer de ce modèle en faisant confiance à notre championnat et à nos joueurs et joueuses locaux. Pourquoi pas revenir à la vieille méthode ?
Mais ne pensez-vous pas que le niveau du championnat local laisse à désirer ?
Non, je ne le pense pas. On joue les finales, les saisons régulièrement et on gagne à l’extérieur. Les coachs locaux sont bons et bien formés. Maintenant, pour encourager un joueur local à s’améliorer, il faudra le sélectionner en équipe nationale pour le juger et l’aider à avancer. La preuve, quand ils sont en sélection nationale, ils se tuent et donnent tout, contrairement à d’autres. Maintenant, les joueurs ou joueuses, qui évoluent à l’extérieur peuvent les orienter et les accompagner. En outre, il ne faut pas attendre les regroupements des hautes compétitions pour les évaluer. On peut les regrouper de temps en temps dans des stages et des sessions pour les former et les accompagner. Cela leur permettra de se connaître. Une fois qu’on est en regroupement de l’équipe nationale, on peut y puiser et les rassembler avec des expatriés. C’est faisable.
Cependant on craint que les joueurs ou joueuses locaux n’aient pas le niveau international requis…
Vous avez vu la Guinée, chez les garçons au tournoi préolympique, ils ont fait des performances. Ce n’est pas ça ? Il s’agit de leur faire confiance, travailler davantage avec eux et corriger les lacunes qu’ils portent. Cela rendra homogène la sélection nationale. Il y aura plus de rivalité. Particulièrement, chez les filles, il faut chercher des pivots. Elles manquent d’efficacité. D’après ce que j’ai vu, il faudra renforcer ce secteur avec les Lionnes.
Me Babacar Ndiaye a été reconduit à la tête de la Fédération sénégalaise de basket-ball. Comment trouvez-vous sa gestion du basket sénégalais ?
Je ne saurais vous le dire parce que je ne suis pas beaucoup le championnat et la gestion de cette fédération, et j’ai mes raisons pour ça.
Pourquoi…
C’est comme ça. Moi, là où il y a trop de problèmes, je ne m’y mêle pas. Il y a beaucoup de problèmes crypto personnels. Je n’en parlerai pas, c’est personnel.
Donc, en tant qu’ancienne, vous avez pris la décision de vous écarter des affaires du basket sénégalais ?
Oui, c’est ma décision personnelle. Je ne suis pas écartée. Me Babacar Ndiaye a fait appel à moi durant la campagne pour les élections à la présidence de la FSBB mais je n’ai pas voulu m’y mêler. On peut le faire différemment sans être dans une structure fédérale. Me Babacar Ndiaye, je le respecte lui aussi me respecte. Je ne le fréquente pas mais personne ne peut me retenir de dire ce que je pense.
Mais en tant qu’ancienne basketteuse, on ne vous a pas vu s’allier avec la bande à Pathé Keïta lors des dernières élections, ou bien vous n’êtes pas d’avis avec leur position vis-à-vis de la gestion du basket sénégalais ?
Ce n’est pas ça. Même au Sénégal, il y a le pouvoir et une opposition. Il y a certainement d’autres qui prétendent être le président de la fédération. Maintenant, je suis d’avis avec leur position. Ils voulaient fédérer le basket sénégalais mais c’est Me Babacar Ndiaye qui a été élu. C’est comme ça. La prochaine fois, ce sera peut-être Pathé, Mame Maty Mbengue ou une autre personne.
Donc pensez-vous que le combat des anciens basketteurs et basketteuses était perdu d’avance ?
Pour apporter ou soutenir, il faudra qu’on soit uni d’abord. On avait une association divisée en deux. Ce soutien ne va rien apporter à nos équipes nationales si on n’agit pas dans l’unité. Pour donner le bon exemple aux joueurs et fédéraux, il faut d’abord être exemplaires. Maintenant, il faut demander aussi aux autres d’où vient cette division.
Vous projetez donc de candidater pour la présidence de FSBB ?
Mais on ne sait jamais. Je suis une ancienne basketteuse et j’aime le basket. Qui sait ? Je peux changer d’avis un jour. Mais actuellement, là où je vous parle, cela ne fait pas partie de mes plans.
Par Moustapha GUEYE
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«Cierra Dillard doit revenir sur terre»
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«La gestion de Me Babacar Ndiaye…»
«Les anciens basketteurs ne sont pas unis»