Excepté la percée de Teungueth FC et du Jaraaf lors de la saison 2020-2021, les clubs sénégalais continuent de décevoir en compétitions continentales, avec des éliminations dès les phases préliminaires.
Le football sénégalais a vécu un dimanche (27 août 2023) très triste. Auréolé de son titre au Championnat d’Afrique des Nations (CHAN) 2023, le pays de la Téranga a vu ses deux représentants sortir dès le premier tour préliminaire des compétitions continentales. Au lendemain, cette déconvenue, un diagnostic s’impose.
Le manque de réalisme
«C’est dommage, on avait la possibilité de gagner ce match, on a manqué des occasions. On a vraiment manqué de réalisme (…) En football, il n’y a pas une science exacte, quand on a des occasions, il faut les concrétiser. Cela nous a fait défaut et il faut continuer à travailler dans ce sens et améliorer notre jeu». C’est la réaction à chaud du président de Génération Foot. Et Mady Touré a vu juste car son équipe a gâché de nombreuses situations nettes de tuer le match contre Hafia FC, comptant pour le retour du 1er tour préliminaire de la Ligue des champions. Finalement, elle l’a payé cash en se faisant rejoindre (2-2) puis éliminer à domicile. La rencontre aller s’étant soldée par un nul vierge à Conakry.
Ce sont les mêmes regrets du côté du Casa Sports en Coupe de la Confédération africaine de Football (CAF). Le club ziguinchorois a réduit ses chances dès la première manche face à l’Étoile filante de Ouagadougou (1-1), en manquant un penalty dans les arrêts de jeu (90’+4). Au retour, il a rendu une meilleure copie dans le jeu mais il a toujours péché pour son manque d’efficacité face aux Burkinabé (0-0), au stade de la Paix de Bouaké (Côte d’Ivoire). On fait souvent jeu égal avec nos adversaires mais ils sont plus pragmatiques sur ce qui fait l’essentiel dans le football.
L’exode massif des joueurs
Au Sénégal, on a clairement l’impression que les clubs manquent d’ambition sur la scène africaine. Parce qu’ils font tout le contraire de ce que font leurs homologues du continent quand ils sont engagés dans les compétitions de la CAF. Au lieu de se renforcer, ils laissent partir leurs meilleurs éléments, ceux qui ont fait la différence pour leur offrir le billet pour l’Afrique.
Entre le titre de champion 2023 et son entrée en lice en Afrique, Génération Foot a perdu pas moins de 22 joueurs. Le Casa Sports a vu le meilleur buteur du championnat, Abdoulie Kassama, atterrir en Algérie, sans compter les autres hommes forts qu’on n’a pas vus, dont Aimé Junior Tendeng, Yaya Sané… Et après, il y a une excuse. «Ces garçons sont arrivés pour la plupart à maturité, il faut qu’ils partent. Ils ont choisi de jouer comme professionnels, d’en faire un métier. Ils ont des opportunités qui se présentent, on ne va pas les leur refuser. D’autant plus qu’aujourd’hui, tout le monde sait combien ces garçons gagnent ici. Ils ont tous envie de gagner leur vie normalement, comme tous leurs aînés qui sont passés à Génération Foot. Et de pouvoir subvenir à leurs besoins, sur les plans familial et même personnel. Donc, c’est tout à fait légitime», a laissé entendre Talla Fall, conseiller spécial et Directeur de GFTV.
L’année Covid-19 a prouvé qu’en gardant leurs joueurs, les clubs sénégalais peuvent bel et bien être performants sur le plan continental. Teungueth FC avait atteint la phase de poules de la Ligue des champions alors que le Jaraaf de Dakar s’était hissé jusqu’en quarts de finale de la Coupe de la CAF (2020-2021).
«Le CHAN a montré que le football local se porte bien avec les résultats obtenus. On peut rivaliser avec les grandes équipes qui sont très titrés dans le football. Il reste des choses à parfaire mais qui seront résolus dans les années à venir», a récemment fait remarquer le président de la Ligue sénégalaise de Football professionnel (LSFP), Djibril Wade, par ailleurs président de la formation de Niary Tally – Grand Dakar – Biscuiterie (NGB).
Manque de soutien de l’État
Il y a donc une question de survie de nos clubs. D’autant qu’ils ne bénéficient d’aucun soutien de l’État du Sénégal. «On ne peut développer le football sans l’aide de l’État, a martelé M. Wade. Nous devons prendre exemple sur le Maroc, où l’État donne six mois de salaire aux clubs. L’État du Sénégal peut en faire de même avec nos clubs. Il peut remettre un salaire de 200.000 FCFA à 30 joueurs de Ligue 1, c’est le minimum. Maintenant, de grands clubs comme Niary Tally, Jaraaf, s’ils veulent payer des salaires de 500.000 FCFA à un joueur, ils peuvent compléter les 300.000 FCFA pour une période de 5 ans. On n’oublie pas l’apport des sponsors et sociétés nationales. Si on le fait, on doit pouvoir payer des impôts au bout de 5 ans. Je crois qu’on peut arriver à payer à nos footballeurs 5 millions. Il faut que l’État aide le football mais, pas sous forme de subvention»
Le président de la LSFP a aussi évoqué l’impérative d’avoir «de bons stades accueillants car, l’environnement d’un stade doit être attrayant pour faire venir les gens à l’image des stades en Angleterre».
Des joueurs saturés ?
Pour expliquer les difficultés de son équipe lors de l’exercice écoulé, l’entraîneur du Casa Sports, Pape Gorgui Ansou Diadhiou, a mentionné une «saturation» de ses joueurs du fait de l’enchaînement des matchs et saisons sans repos.
Cela interpelle forcément sur le calendrier de nos compétitions nationales. «J’insiste pour qu’on puisse commencer le championnat à temps et le finir tôt. On a terminé le championnat il y a trois semaines et nous avons enchaîné pour la Ligue des champions. On n’a même pas eu le temps de confectionner la liste des 40 joueurs», a pesté Mady Touré, avant d’ajouter : «On doit s’asseoir autour d’une table et diagnostiquer notre football local pour avoir une bonne organisation à travers un football fort». Il est vraiment temps, si on veut mettre fin à cette spirale de désillusions sur la scène continentale.
Adama COLY